Le baptême défini comme une « nouvelle naissance »13
Quand quelqu’un utilise le mot « baptême », tout le monde sait de quoi on parle ; mais en même temps, ce mot ne nous donne aucune explication sur ce qu’est le baptême.
Les auteurs du Nouveau Testament utilisent donc souvent d’autres termes plus évocateurs pour parler du « baptême ». L’un de ces termes est le mot « naissance » : le baptême est une naissance. Le Nouveau Testament dit plus précisément : une « nouvelle naissance »14.
Dans les communautés où l’on pratique systématiquement le baptême des petits enfants, on a tendance à le considérer comme une fête à l’occasion de la naissance de l’enfant. L’enfant est sorti du ventre de sa mère, il est venu à la vie, et pour compléter le tout, on le présente encore à Dieu pour qu’il le bénisse.
Mais le baptême, c’est bien plus que cela. Ce n’est pas un « bonus », ce n’est pas quelque chose qui s’ajoute à tous les autres cadeaux de naissance, fût-ce le plus beau d’entre eux.
Le baptême n’est pas la suite naturelle de la naissance naturelle : il marque une rupture radicale. C’est pourquoi il est appelé lui-même une « naissance », une naissance « nouvelle », une naissance radicalement différente de la « première » naissance.
Nouvelle naissance, nouvelle vie
En faisant la différence entre deux sortes de « naissances », le Nouveau Testament fait aussi la différence entre deux sortes de « vies » dans lesquelles on naît. Qui dit « naissance », dit « vie ». Qui dit « naissance nouvelle » dit aussi « vie nouvelle ».
La naissance naturelle fait entrer l’homme dans la vie. La vie « tout court ». Mais la Bible ne se contente pas de la vie « tout court ». La vie « tout court », c’est la vie sans Dieu. Ce que propose le Nouveau Testament est la vie « avec Dieu », la vie « de Dieu », une vie d’une qualité toute différente de la vie « tout court ». L’évangile de Jean parle de « vie éternelle »15. L’adjectif
« éternel » ici ne signifie pas « vie qui ne
s’arrête jamais », mais « vie que la mort ne peut
stopper, vie de Dieu ». C’est une sorte de vie
radicalement différente de la vie naturelle. Il n’y
a pas de continuité entre ces deux sortes de vie.
On ne passe pas naturellement de la vie « tout
court » à la vie « avec Dieu ». Il y faut l’équivalent
d’une « naissance », d’une expulsion vers la vie.
L’homme n’a rien à faire !
Or, en utilisant le mot « naissance », les auteurs
du Nouveau Testament soulignent que ce
n’est pas l’homme qui accomplit ce passage.
Comme la mère donne naissance à l’enfant,
l’enfant ne se fait pas naître tout seul. Il n’y est
même pour rien du tout. Le bébé qui naît est
passif : il reçoit la vie. C’est la même chose pour
le baptisé. Le baptisé ne se baptise pas tout
seul. Il reçoit le baptême : il est passif, lui aussi,
passif comme un enfant en train de naître – en
train de naître de Dieu. Car c’est Dieu lui-même
qui donne naissance au baptisé. Le Nouveau
Testament est très sérieux lorsqu’il dit cela :
dans le baptême, c’est Dieu qui fait naître
l’homme.
Dieu donne naissance à l’homme par son Esprit
Dieu donne naissance à l’homme, non pas
physiquement, comme dans la naissance naturelle,
mais spirituellement. Cela ne signifie
pas que cette naissance n’a pas de consistance
réelle : « spirituellement » ici ne signifie
pas « intellectuellement, psychologiquement,
vaguement ». « Spirituellement » signifie « par
l’Esprit ». Et, dans le langage biblique, l’Esprit
est quelque chose de très consistant. C’est
pourquoi l’Esprit peut être comparé à ce phénomène
palpable qu’est le vent16.
La nature, c’est le mode opératoire de l’homme.
L’Esprit, c’est le mode opératoire de Dieu. Le
baptisé naît de l’Esprit, aussi concrètement
que l’enfant naît de sa mère. L’Esprit propulse
le baptisé vers la vie de Dieu. L’enfant des
hommes devient enfant de Dieu17.
Par le baptême, chacun est invité à recevoir
cette vie nouvelle dans l’Esprit.
La nouvelle naissance à tout âge
La nouvelle naissance, l’entrée dans une vie
nouvelle n’est pas réservée aux nourrissons
qui ont encore toute la vie devant eux. Lorsque
Jésus parle de « nouvelle naissance » en Jean
3, il s’adresse au vénérable Nicodème, un des
notables juifs, qui avait sans doute un certain
âge. Et Nicodème l’interroge sur la « nouvelle
naissance » des hommes déjà vieux. De
même que notre vie peut basculer et changer
à tout moment, la « nouvelle naissance » est un
changement radical qui peut intervenir à tout
âge. Dans l’Esprit, Dieu peut faire naître à une
vie nouvelle à chaque étape de la vie.
On distingue quelquefois « baptême d’eau »
et « baptême d’Esprit », pour souligner que le
changement de vie ne coïncide pas toujours,
d’un point de vue chronologique, avec le jour où
l’on reçoit le baptême d’eau. Cette distinction
évoque l’expérience existentielle de ceux qui
ont vécu leur conversion à Dieu à un moment
tout à fait précis de leur vie. D’un point de vue
théologique, l’eau et l’Esprit renvoient l’un à
l’autre : l’Esprit est ce que le baptême en Jésus-
Christ ajoute au baptême de Jean le Baptiste18,
tout en conservant l’élément de l’eau.
13. Jn 3,1-8 - 14. Jn 3,3 ; Tt 3,5 ; 1 P 1,13-23 ; voir aussi Rm 6, Col 3,9ss et Ep 4,22ss. - 15. Jn 3,15ss - 16. Lire Jn 3,1-21 - 17. Jn 1,12 ; 1 Jn 3,2 ; 5,1-2 ; voir aussi Ga 4,5ss et Rm 8,14ss - 18. Mc 1,8 ; Mt 3,11 ; Lc 3,16 ; Ac 1,5