Dieu m’offre son amour en premier
Au baptême, Dieu s’engage envers l’homme,
irrévocablement. Il lui dit : « Je t’aime », et cette
parole ne peut plus être retirée. Celui qui dit
« Je t’aime » fait envers l’autre un geste qu’il ne
pourra plus reprendre : rien ne sera plus comme
avant.
Mais que va faire l’autre, l’autre qui entend
cette parole, l’autre qui se retrouve face à ce
« Je t’aime » ? La parole d’amour ne sert à rien
si l’autre ne l’entend pas. Elle reste suspendue
dans le vide si l’autre n’y répond pas. Il n’y a pas
de relation d’amour si on n’est pas deux.
Dieu dit à l’homme : « Je t’aime ». Il dit cela le
premier, il en donne la preuve le premier, à
travers la vie, la mort et la résurrection de Jésus-
Christ. Il montre à travers Jésus-Christ combien il
prend cette parole d’amour au sérieux, combien
elle est concrète pour Lui30. Il veut qu’elle
devienne tout aussi concrète pour l’homme. Il
veut être deux avec l’homme, dans une relation
d’amour. Il ne sauve pas l’homme à son insu, en
catimini, pendant que l’homme s’occupe d’autre
chose. Il ne veut pas aimer l’homme en cachette,
contre son gré, mais avec lui.
Croire : accepter ce cadeau que je ne mérite pas
Pourtant, Dieu ne force rien. L’homme n’est pas
une marionnette entre les mains de Dieu qui lui
imposerait l’amour. L’amour de Dieu n’est pas
une machine à sauver, une mécanique bien
huilée, mais une relation entre deux personnes
libres – c’est d’ailleurs la condition pour que
l’amour soit véritablement de l’amour31. En
décidant de sauver l’homme par son amour, et
non de force, Dieu accepte que son salut soit
déposé dans les mains de l’homme, comme un
cadeau. L’homme est libre d’ouvrir ce cadeau.
La logique veut qu’il l’ouvre, comme on le
fait pour tous les cadeaux qu’on nous offre :
normalement, un cadeau, cela fait plaisir. Mais
c’est en liberté que l’homme décide de l’ouvrir.
Cela s’appelle la foi
La foi, c’est ouvrir le cadeau dans la conviction
qu’il y aura dedans quelque chose de bon32. La
foi, c’est accueillir l’amour de Dieu, croire qu’il se
soucie personnellement de moi, qu’il a pour moi
l’attention d’un père ou d’une mère. La foi, c’est
jouer le jeu de cet « avec », de ce salut qui est
une relation à deux, entre Dieu et l’homme. Sans
cette foi, le cadeau reste posé là, sans personne
pour l’ouvrir. Sans cette foi, le baptême reste une
chose morte, un paquet bien fermé, qui ne fait
pas vraiment partie de ma vie. La foi est ce qui
« saisit » le baptême et qui en fait vraiment une
chose mienne.
Cette foi n’est pas mon oeuvre personnelle. Ce
n’est pas quelque chose que l’homme choisit
d’éprouver en pesant bien le pour et le contre.
La foi, c’est quelque chose que Dieu suscite33, en
m’offrant son cadeau et cet élan qui me pousse à l’ouvrir, en me disant « Je t’aime », une parole
si radicale qu’il me faut y répondre. La foi est
comme le pôle humain de la relation dont la
grâce est le pôle divin. Ce ne sont pas deux
choses différentes, une oeuvre humaine et une
oeuvre divine, mais une seule et même relation
tissée par Dieu avec les hommes, les deux
bouts d’un seul et unique lien.
Se laisser faire par Dieu
Cela a l’air simple, et c’est pourtant une des
choses les plus compliquées pour l’homme.
D’abord, quand on reçoit un cadeau, on
veut rendre la pareille. Donnant-donnant. Tu
m’offres quelque chose, je t’offrirai quelque
chose moi aussi, quand mon tour viendra. Mais
dans la relation d’amour entre Dieu et l’homme,
on ne fait pas les comptes. On ne peut pas
faire les comptes : l’homme n’a rien à offrir
à Dieu, rien dont Dieu pourrait avoir besoin.
Pourtant, l’homme aimerait tellement y être
pour quelque chose. C’est difficile de se laisser
faire, d’accepter que la grâce et l’amour de Dieu
sont suffisants.
Ensuite, un vrai cadeau, c’est une surprise.
On ne sait pas à l’avance ce qu’on trouvera.
Cela devrait être une chose bonne, quelque
chose qui fait du bien – mais souvent la peur
de l’inconnu domine et empêche de faire
confiance. C’est vrai qu’avec Dieu, l’homme
n’est pas en terrain connu. C’est vrai que par
Dieu, l’homme est conduit sur des chemins
qu’il n’avait pas imaginés34. Les règles du jeu
de la grâce sont différentes de toutes celles
qui nous sont familières. La confiance en Dieu
seule permet de continuer d’y jouer. Elle donne
la force de suivre le jeu et de ne pas poursuivre
seulement mes envies et mes avantages.
30. Jn 3,16 ; 1 Jn 4,9-10
31. Rm 8,15
32. Hé 11,1
33. Ep 2,8-9
34. Gn 12,1-4 ; 2 R 5,1-3,9-19 ; Lc 5,1-11 ; Hé 11