Au baptême, c’est bien moi qui suis reçu par
Dieu, moi avec mon prénom, mon histoire, mon
caractère et tout ce qui fait que je suis moi-même.
C’est bien moi qui suis baptisé, en tant
qu’individu. Mais le baptême n’est pas mon affaire
personnelle, ma fête à moi tout seul. Ce n’est pas
comme un anniversaire. Mon anniversaire est
bel et bien ma fête et celle de personne d’autre.
Lors de mon anniversaire, on m’offre des cadeaux
adaptés à mes goûts, à mes envies ; je fais venir
mes proches, ceux que je connais le mieux ; on est
entre soi, bien au chaud, on a les mêmes codes,
on se comprend à demi-mot.
Mon baptême est une fête bien différente. Ce
n’est pas ma fête à moi seulement, mais une
fête pour tous les baptisés, pour tous ceux
qui ont reçu le même don de Dieu, le même
grand cadeau que moi.
C’est une fête qui me relie à une foule de
personnes que je ne connais pas, qui vivent
dans des pays lointains, qui ont vécu à une
époque différente de la mienne : leur point
commun, notre point commun, ce n’est pas moi
et mes goûts et mes préférences, mais c’est le
Christ.
Revêtir Christ
L’apôtre Paul exprime cela à l’aide d’une
métaphore : « Oui, vous tous qui avez été
baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y
a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni
homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ;
car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ43. »
Paul aurait pu formuler les choses ainsi : « Par
le baptême, vous devenez des chrétiens, vous
entrez dans le groupe, vous faites partie du
“club”, bienvenue ! » Mais ce n’est pas ainsi
qu’il s’exprime. Paul ne dit pas : « Vous devenez
des chrétiens », mais : « Vous avez revêtu le
Christ. » Le point commun des chrétiens, ce
ne sont pas leurs goûts, leurs préférences, ou
encore une doctrine, un règlement, une liste
d’engagements : la « carte de membre » des
baptisés, c’est le Christ lui-même, que chaque
chrétien porte sur lui comme un vêtement,
comme le vêtement blanc qu’on met
après le baptême44. Cette « carte de
membre » très spéciale explique ce que
Paul dit au verset 28 : le baptême ne crée pas
une nouvelle « appartenance communautaire »,
entre personnes qui partagent les mêmes codes
que les autres ne peuvent pas comprendre, qui
se sentent en sécurité lorsqu’elles se retrouvent,
face au reste du monde. Le baptême ne crée
pas de nouveaux groupes, de nouvelles
frontières, mais abolit celles qui existent, même
les plus radicales : la frontière qui oppose le Juif
et le Grec, celui qui applique scrupuleusement
la Loi du Dieu d’Israël et celui qui ne la connaît
même pas ; la frontière qui fait de l’esclave un
« sous-homme » par rapport aux autres ; la
frontière qui place l’homme bien au-dessus de
la femme. Nous dirions sans doute, avec les mots d’aujourd’hui : il n’y a plus ni Noir ni Blanc,
ni riche ni pauvre, ni people ni anonymes, ni
Parisiens ni provinciaux, ni PDG ni ouvriers – il
n’y a plus « nous » et « les autres ». Les baptisés
ne sont pas un groupe d’affinité. Ils ne se sont
pas choisis entre eux. Ils ne se reconnaissent
pas du premier coup lorsqu’ils se croisent dans
la rue. C’est Dieu qui les a choisis, c’est Dieu
qui les reconnaît en Jésus-Christ. L’unique code
vestimentaire des baptisés, c’est le Christ.
Un seul baptême
Les baptisés ne se définissent pas par ce qui
les distingue des autres, mais par Christ qui
abolit les frontières45.
Cela ne veut pas dire que tous les baptisés
fusionnent en Christ, qu’ils y perdent leur
individualité et leur personnalité. L’unité en
Christ est compatible avec la différence46. On
exprime cela à l’aide du mot « communion ».
Ce mot signifie qu’en Jésus-Christ, les baptisés
sont reliés les uns aux autres alors même qu’ils
ont parfois très peu de points communs, alors
même qu’ils sont parfois tellement « autres ».
Voilà pourquoi « nous confessons un seul
baptême »47 : il n’y a pas « mon » baptême,
« ton » baptême, « son » baptême, mais « un
seul baptême », qui relie entre eux tous ceux
qui sont en Jésus-Christ.
43. Ga 3,27-28
44. On peut penser aussi au signe de la croix que l’on fait sur le baptisé
dans certaines communautés, et que le baptisé refait sur lui-même tout
au long de sa vie avec le Christ.
45. Ep 2,11-22
46. 1 Co 12
47. Symbole de Nicée-Constantinople